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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 12:45

Mon Blog fait peau neuve ! Retrouvez mes articles sur LA COULEUR DES PLANCHES et toujours sur l'HUFFINGTON POST

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28 octobre 2013 1 28 /10 /octobre /2013 12:17
Au Monde et La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce, de Joël Pommerat

"J'insisterai toujours pour ne jamais cesser de laisser vieillir ce que nous faisons"

Etoile resplendissante depuis quelques années, Joël Pommerat est un de ces metteurs en scènes qui savent réinventer le Théâtre, un théâtre de la vie qui nous bouleverse et nous transcende. Depuis plusieurs saisons, nous avons été les témoins de ces moments suspendus et avec La Réunification des deux Corées, l'année dernière, c'est une intensité à jamais gravée dans nos chairs que ce créateur, atteignant le sublime, nous transmise.

Quelle délicatesse alors de faire revivre deux de ses spectacles créés il y a maintenant plusieurs années. Le niveau étant à son apogée, nous sommes, cette fois, déçus face à ce manque de caractère et ce trouble, cette confusion liés aux messages peu aboutis. Nous reconnaissons pourtant le style épuré et mystérieux de Pommerat, ainsi que cette mise en valeur du comédien, de l'humain dans son plus simple appareil, celui de la parole. Cependant, nous attendons avidement cette poésie si particulière, ces instants suggestifs et dramatiques qui font toute la force de son théâtre, ces moments de grâce qui nous transpercent.

Dans Au Monde, au Théâtre de l'Odéon, la puissance des mots est soulignée, le mutisme des uns et le silence des autres créent un malaise ambiant qui éloigne tous les êtres de la normalité. Des frontières apparaissent, mêlant imaginaire et dissimulation. À la recherche de l'autre, de sa réaction, de la vie, il y a ceux qui tentent d'échapper aux zones d'ombre du silence et de se forger leur propre identité. Entre convictions contradictoires et croyances étranges, de quels fondements est réellement constitué le monde qui nous entoure?

Happés par l'étrange atmosphère qui émane de la scène, toujours convaincus par le charisme atypique de ces fidèles comédiens de la Compagnie Louis Brouillard, nous peinons pourtant à pénétrer dans ce huis-clos hermétique et disparate.

Toujours dans un univers intime et cloisonné, ici des chambres d'hôtels fondues dans la roche du Théâtre des Bouffes du Nord, La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce poursuit ce questionnement des apparences. Réflexion sur une société secrète, celle des vendeurs, et les stratégies dont ils doivent user pour vendre sans que le client s'aperçoive de son investissement: ne jamais se placer dans la position de marchand, faire croire à l'acheteur qu'on lui rend service, enfiler un masque et s'adonner aux pouvoirs usurpateurs qu'offre la confiance.


En confrontant deux périodes de trente années d'écart, le créateur nous montre l'évolution de ce système, la réaction de l'homme, plus sensible, seulement en apparence. Dans cette logique de vie autour de l'achat et de la vente, l'accent n'est pas assez posé sur la déshumanisation causée par cette société commerciale. Même si cette concentration de comédiens masculins est à la hauteur, ce théâtre de reconstitution manque d'un soupçon d'âme et d'approfondissement qui donnerait à la pièce d'autres allures que celles d'actions relatées. Le mécanisme est convaincant mais les personnages manquent parfois de relief dans cette dualité identitaire provoquée par leur profession.
Sentiment amer et frustration intense, nous n'en tenons pourtant pas rigueur au créateur.

Clin- d'œil à ses mises en scène passées, sorte d'étude comparative quant à l'évolution de son chemin dramatique; même si l'émotion tant attendue est restée cachée dans les coulisses, nous connaissons la valeur du théâtre de Pommerat. Cette force qui, jusqu'à présent, nous avait unanimement entraînés vers des confins bouleversants que nous avons hâte de retrouver dans ses prochaines créations.

Théâtre de l'Odéon

Au Monde, création de Joël Pommerat

Avec avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Lionel Codino, Angelo Dello Spedale, Roland Monod, Ruth Olaizola, Marie Piemontese, David Sighicelli

En tournée à Marseille

Théâtre des Bouffes du Nord

La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce, création de Joël Pommerat

Avec Patrick Bebi, Hervé Blanc, Éric Forterre, Ludovic Molière
et Jean-Claude Perrin

Jusqu'au 16 novembre 2013

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Au Monde et La Grande et Fabuleuse Histoire du commerce, de Joël Pommerat
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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 11:31
Duras, la vie qui va, par Claire Deluca et Jean-Marie Lehec

"Mais il faut bien que je le dise une fois, presque jamais rien n'est joué au théâtre...tout est toujours comme si...comme si c'était possible..."

Loin de la douleur et de la force poétique propres à son œuvre, Duras, la vie qui va, nous fait découvrir une autre facette de l'auteur. L'espace d'un moment de théâtre, les deux comédiens s'éloignent des spectres de l'amour et de la mort en regroupant des textes plus légers, différents du procédé d'écriture habituel. Mélangeant optimisme trompeur, humour et espoir, les mensonges ambigus, permettent de dissimuler la solitude pesante, face au temps qui défile.

Car chez Marguerite Duras, il est toujours question de cette maîtrise du temps, d'un travail de deuil et de mélancolie, qui masque le passage du présent et amplifie cette quête sans relâche vers un sens de l'existence. Il s'agit ici d'anecdotes, de parcelles de vies, d'élans de gaietés qui n'ont pas d'autre but que celui de la parole. Aucun silence ou espace de danger, une scénographie et une mise en scène minimales, mais cette importance de la parole et du dialogue, qui nous confronte alors davantage à des voix qu'à des personnages.

Bien que rayonnante, toujours dans une attitude suspendue et nostalgique, Claire Deluca perpétue avec émotion, le souffle sans égal de Duras. Attachante, douce et pétillante, aux intonations proches de Jeanne Fusier-Gir, elle intensifie et prolonge l'espace du Théâtre de Poche Montparnasse, jusqu'à troubler la véracité de la fiction. Accompagnée par Jean-Marie Lehec, qui incarne une absurdité amusante, ils portent, tous deux, avec croyance et passion, cette écriture de la perte, cette musique inimitable.

Théâtre de Poche Montparnasse

Duras, la vie qui va, adaptation et mise en scène de Claire Deluca et Jean-Marie Lehec

Avec Claire Deluca et Jean-Marie Lehec

Jusqu'au 10 novembre 2013

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25 septembre 2013 3 25 /09 /septembre /2013 10:22
Hannibal, de Grabbe par Sobel

"L'échec ne rend pas l'effort dérisoire"

Dans Hannibal, Bernard Sobel s'en remet au pouvoir de la poésie de Grabbe, à cette volonté de poursuivre ses objectifs, dans un monde dépourvu d'illusions. Propos à la résonnance contemporaine, utilisant l'Histoire comme matière première, il s'agit plutôt du témoignage d'un homme, que d'une pièce historique. Les scènes s'enchainent, nous contant avec clarté et dynamisme, la ténacité de ce héros carthaginois qui poursuivra son combat sur les terres étrangères, qu'importent les obstacles et les échecs pressentis.

La force épique et la symbolique de ce texte reposent avec triomphe sur le brillant éventail de comédiens, qui défilent sous nos yeux, empruntant les peaux de différents personnages. Treize comédiens, dont l'intriguant Jacques Bonnaffé, et deux comédiennes qui se retrouvent légèrement écrasées sous le poids de tant de charisme masculin et de stratégies guerrières.

Déjà éblouis dans Amphitryon à la MC93, nous saluons à nouveau le travail de direction d'acteurs de Sobel ainsi que la parfaite cohésion entre ces multiples personnages, tous précisément distincts et singuliers. Chaque rôle est convaincant, la moindre posture étudiée, les expressions maitrisées et les voix prennent alors le contrôle de tout le Théâtre de Gennevilliers, traçant un chemin sans failles jusqu'en Asie Mineure. Une pensée particulière pour Laurent Charpentier qui interprète avec caractère et panache, le personnage plein de tensions du Général Publius Scipion, machine de guerre déterminée et déterminante.

La puissance de ces comédiens, aurait alors suffi à sublimer la poésie de Grabbe. Nous regrettons la scénographie un peu usée, quoique représentative d'une atmosphère étrangère. Ces maisons en papier peints, qui descendent se poser sur la scène, afin de créer du volume, renvoient trop à une réalité concrète et lointaine. À une époque, certes représentative du contexte de l'histoire d'Hannibal, mais qui floute alors davantage, les intéressantes résonnances avec notre période actuelle. Cette scénographie fige la pièce dans un espace-temps bien précis, avec une volonté bien assumée, qui pourtant freine les différents niveaux de lecture et rend la pièce à quelques moments, trop didactique.

Certaines scènes suscitent cependant des réflexions intemporelles et remettent en cause des idées établies. La mort engendrée par le suicide, nous apparait comme la décision ultime de l'homme qui prend le pas sur ce dernier recours, sur cette fin en soi. La provoquer et prendre le contrôle sur sa destinée, rend l'homme maitre de toute action, vainqueur jusqu'au bout de ce qu'il acceptera et combattra sans illusions.

Théâtre de Gennevilliers

Hannibal, texte de Christian Dietrich Grabbe mise en scène de Bernard Sobel

Avec Sarah Amrous, Jacques Bonnaffé, Romain Brosseau, Eric Castex, Pierre-Alain Chapuis, Laurent Charpentier, Jean-Claude Jay, Simon Gauchet, Claude Guyonnet, Yann Lefeivre, Vincent Minne, Anaïs Muller, François-Xavier Phan, Tristan Rothhut, Gaëtan Vassart.

Jusqu'au 3 octobre 2013

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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 11:59
Des arbres à abattre, de Thomas Bernhard par Célie Pauthe et Claude Duparfait

"Car nous avons tous grandi dans l'artifice, dans l'irrémédiable folie de l'artifice."

Le saisissant monologue acide de Claude Duparfait, incarne à la perfection le cri de l'indignation, propre à l'œuvre de Thomas Bernhard. Portant à lui seul, du haut de son fauteuil à oreilles la moitié Des arbres à abattre, le comédien narrateur, double éloquent de l'auteur, manie le langage comme une arme redoutable.Mêlant cynisme, humour et redondance, il nous entraîne avec charisme et conviction vers un univers de remise en cause totale de l'individu et de cette obsession mondaine pour un art superficiel. Eloigné depuis des années de la famille des Auersberger, il retourne trente années plus tard à leur fameux "dîner artistique", le jour même du suicide de Joana, une amie commune. Une jeune enfant qui avait le don de ne voir que le beau au milieu de toute la laideur ambiante. Un être merveilleux qui ne pouvait vivre que dans le conte, incapable de toute réalité. Homme amer, impuissant de réaction face à l'urgence du temps qui s'écoule, il ressasse ce qu'il vit comme un sacrifice imposé.

L'auteur aurait pu se contenter de ce soliloque plaintif, de cette critique de la société viennoise emplie de règlements de compte amusants, de cette voix dissimulée derrière ce fauteuil enfoui dans la nuit mystérieuse. Trop attaché à la force de la langue et aux paysages des mots, il transforme ce procès secret en une audience publique, marquée par l'entrée feutrée des quatre personnages dont le narrateur nous criait les portraits haineux d'artifices. Le spectateur se retrouve juge de toutes les précédentes accusations portées par cet homme à présent silencieux, confronté, enfin, à la réalité de l'autre qui contre toute attente, lui ouvrira les yeux.

D'une ambiance superficielle, dans laquelle régnaient narcissisme artistique et élitisme ridicule, le climat tend vers une sincérité vitale. Si le comédien invité au dîner est le premier à illustrer la bêtise humaine et le mensonge, reflet dissimulé de son rôle dans Le Canard sauvage, il est également le premier à souligner l'importance de l'art brut et fait tomber les masques. Le besoin de profondeur à l'état naturel, la nécessité de la quête artistique vers l'œuvre d'art, il faut tendre vers la vérité du monde qui nous entoure. Enfin, le rejet de l'autre ne signifie que le rejet de soi-même ; il est alors temps d'accepter et d'avancer. Il est temps de se sauver de justesse pour continuer à vivre. Quel beau souffle de vie porté par tous ces comédiens surprenants de mystère et d'authenticité.

Ces êtres qui se cherchent, s'observent et testent leurs limites, dans cet espace confiné, sur cet intriguant plateau que Célie Pauthe et Claude Duparfait ont voulu scène de questionnements et d'émotions. Il suffira d'une apparition, celle de la Joana, spectre disparu, qui revient hanter les vivants. Moment suspendu, ce film projeté sur une toile, frontière entre les deux mondes, n'est finalement qu'une explosion de vie qui leur rappelle la nécessité de s'ouvrir au monde et à l'Art.

Théâtre de la Colline

Des arbres à abattre, de Thomas Bernhard mise en scène de Célie Pauthe et Claude Duparfait

Avec Claude Duparfait, Laurent Manzoni, Annie Mercier, Hélène Schwaller, Fred Ulysse

Du 11 au 28 septembre 2013

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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 14:11
Todo el cielo sobre la tierra, Angelica Liddell

Et si rien ne peut ramener l'heure/ De la splendeur dans l'herbe, de l'éclat dans la fleur/ Au lieu de pleurer, nous puiserons/ Nos forces dans ce qui n'est plus.

Le Théâtre d'Angelica Liddell est un théâtre qui est périlleux à raconter avec des mots, car c'est un théâtre qui se vit, une émotion qui nous bouleverse, une image qui reste gravée à jamais. Forte de ses névroses, usant à ciel découvert de cet art de la parole pour dénoncer et se dénoncer, elle crée un univers hors du commun, se distinguant du temps qui se fige aussitôt. Florilèges d'instants atypiques, les scènes s'enchaînent mais ne se ressemblent pas. Il y a dans cette mise en scène et dans la profondeur du propos d'Angelica Liddell une agilité à frôler les limites, sans jamais les franchir.

Todo el cielo sobre la tierra (el sindrome de Wendy) débute par une longue scène de cris et de masturbation qui fait trembler les murs de la Cour du Lycée St Joseph. Un soupçon d'indécence. Pourtant nous restons concentrés, comme déjà hypnotisés par l'aura de la scène. Une fois de plus, comme dans Casa de la fuerza, le corps est mis à l'épreuve et se confronte à la nécessité de vivre. Une vie qui s'est arrêtée subitement pour les 69 victimes de l'île d'Utoya. Coincés dans le pays imaginaire de Peter Pan, toutes ces Wendy pourront pourtant conserver leur jeunesse. En arrêtant de grandir, elles garderont le regard de l'autre, celui qui nous échappe au fil du temps qui passe, celui qui nous abandonne. Car c'est, avant tout, d'amour qu'il s'agit, d'un sentiment qui subsiste malgré la laideur du temps qui s'empare de notre corps et de nos désirs refoulés qui trouvent leur compensation dans un quotidien poussant parfois jusqu'à l'irréparable.

Il est question de l'abandon de l'autre, de cette peur de voir nos vies et nos désirs aspirés par la déchéance de notre corps destiné à pourrir et à nous éloigner de l'amour physique. Angelica Liddell aborde le sentiment de la perte en en parlant le plus simplement possible, en oscillant entre montées en puissances et magnifiques danses shanghaïennes. Elle nous terrorise avec la vision des rapports humains, nous glace avec ses ombres dépressives et son pessimisme récurent, mais, malgré tout, nous l'admirons, car elle nous donne à voir de la beauté.

Qu'importe la terre où l'on puisera le courage de vivre et sur laquelle on trouvera la présence de l'autre, ce qui importe est la poésie qui nous entoure, ce moment de grâce où, face à un tel spectacle, le mental lâche prise et se laisse aller à des émotions décuplées, provoquées par ce mystérieux mélange de laideur et d'étincelant, d'angoisse et de bonheur. Bouleversés face à ce Théâtre de la vie, le souffle coupé devant cette femme qui se donne corps et âme au nom de la passion, à partir de l'anéantissement, nous voyons s'ouvrir des chemins mystérieux vers des confins de pensées insatiables.

Programmé au Théâtre de l'Odéon du 20 novembre au 1er décembre

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13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 14:07
Le déluge dramatique

Heureux de retrouver la beauté du palais des Papes, que nous avions quittée l'année dernière, empreints de la force du "Maître et de la Marguerite", de Burney, nous revenons avec l'espoir de poursuivre ce beau voyage théâtral. Lieu majestueux, scénographie simple mais imposante, nous disposons de quelques minutes pour imaginer le rôle de ces immenses tribunes peintes en bleu, un bleu pur qui s'impose et habille, de sa clarté, la hauteur des murs de pierres. Pour honorer la puissance de ce site, Stanislas Nordey, un des deux artistes associés, monte "Par les Villages", de Peter Handke, un poème opposant le monde des intellectuels à celui des ouvriers. Une réflexion sur les souvenirs et l'attachement à ses racines.

Accompagné d'une guitare aux airs envoûtants et mystiques, Laurent Sauvage fait son apparition et se maintient immobile, le temps de s'imprégner des vibrations de cette Cour d'Honneur, suspendue à son regard et déjà pleine d'émotions. Comédien brillant, fidèle compagnon de jeu de Stanislas Nordey, entre autres dans "My Secret Garden", sa présence, seule, véhicule des sensations et exerce une emprise incontrôlable sur le spectateur. Il sera rejoint par Jeanne Balibar, légère et libre. Puis, nous aurons la chance d'apercevoir Annie Mercier, dont le timbre bien connu nous fait pénétrer dans l'antre des ouvriers. Fort d'un charisme incontestable, Laurent Sauvage aura été jusqu'à déclencher les foudres d'Avignon! À peine entré sur scène, Stanislas Nordey est immédiatement confronté à une pluie battante qui se déverse sur les spectateurs, lesquels, frustrés, décident de quitter leur siège. Terrible destinée pour la Première de cette mise en scène tant attendue et si brusquement rattrapée par la réalité de la vie! Quoiqu'il en soit, ce saisissant avant-goût ne restera que le prémice d'une aventure, que nous sommes impatients de continuer de découvrir à partir du 5 novembre au Théâtre de la Colline, dans une enceinte, cette fois, de murs parisiens.

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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 10:05
Cendrillon, de Joël Pommerat

Depuis quelques années déjà, une lutte idéologique persiste au sein des Arts du Spectacle. D’un côté, ceux qui prônent un Théâtre à l’état pur, indépendant des autres formes et de l’autre, ceux qui valorisent la nécessité de la pluridisciplinarité. Intégrer la Danse, les Arts Numériques ou la Vidéo au Théâtre s’est répandu comme une mode fulgurante à laquelle rares sont les créateurs qui y dérogent. Cependant, à trop vouloir croiser et expérimenter, certains metteurs en scènes privilégient la forme à défaut du fond, alors inexistant. Joël Pommerat fait partie de ceux qui allient avec subtilité, raisonnement et perfection le Théâtre à d’autres Arts, ici, le Cinéma. Quelle alliance sublime, réflectrice d’un univers atypique, qui n’a pas encore trouvé son pareil ! Avec la collaboration de l’ingénieux Eric Soyer, il offre à la scène des Ateliers Berthier des airs de Méliès, nous rappelle une certaine Villa Arpel et nous renvoie, toujours dans un hommage au Théâtre, à la naissance de cet autre art sublime qu’est le Cinéma.

Après la création la plus bouleversante de la saison, La Réunification des deux Corées, Joël Pommerat revient avec son adaptation de Cendrillon, déjà présentée sur ce plateau en 2011. Comme à son habitude, il parvient, avec un minimum d’éléments de décor, mais un innovant travail sur la lumière, à créer une atmosphère atypique et sans égale. Dans le but d’aborder la question de la mort, il reprend le célèbre conte de Cendrillon et le remanie en une puissante version, certes plus moderne et risible, mais davantage ténébreuse et bouleversante. L’originale Deborah Rouach interprète Cendrillon, qui devient Sandra, pour finir Cendrier, une enfant terne qui se complait dans ce rôle d’esclave rabaissée et qui répond avec entrain aux pires tâches domestiques. Endossant constamment le poids d’une culpabilité infondée, elle s’inflige volontairement le plus mauvais des traitements afin d’expier ce qu’elle considère comme sa faute. Fière et désireuse de son sort, elle se retrouve enfermée et à l’écart d’une réalité tout aussi trompeuse et mensongère que celle qu’elle s’est créée. Jusqu’à ce que jaillisse de son armoire, la fameuse fée…

Au-delà de l’humour, incarné majoritairement par Catherine Mestoussis, la belle-mère, dont le jeu contrôlé et étudié au moindre sourcillement est époustouflant de charisme, l’ambiance angoissante, entremêle mystères et surprises. Loin de l’histoire célèbre du soulier de verre sur fond de chansons rêveuses, en décalage avec le cliché final de tous les contes, il s’agit, avant tout, de questionner le poids et l’importance des mots, ceux qui comptent. Ces mots qui vous hantent et déterminent votre destin et vos attentes. Plus loin que le langage se reflète le désir d’une honnêteté et d’un respect à appliquer envers soi-même. Belle leçon d’apprentissage que Pommerat véhicule à travers le thème de la mort dans le contexte de l’enfance. Peut-on se détacher de l’influence des mots ? Comment parvenir à accepter la souffrance et à tourner la page du passé afin de vivre dans le présent et vers l’avenir ? L’appréhension du temps est centrale dans cette création qui n’en oublie pas l’onirisme propre au conte, mais qui, ici, paraît plus rationnel. Happés par cette histoire bien terre-à-terre, le merveilleux subsiste et, bercés par la voix hypnotisante de la conteuse, nous sommes entraînés, avec force, vers des confins inconnus. Ceux d’un Théâtre brillant de clarté et de lucidité, un moment suspendu, au cœur de la fragilité humaine.

L'Odéon- Ateliers Berthier

Cendrillon, création de Joël Pommerat

Avec Alfredo Canavate, Noémie Carcaud, Caroline Donnelly, Catherine Mestoussis, Déborah Rouach, et José Bardio, Nicolas Nore

Jusqu'au 29 juin 2013

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6 juin 2013 4 06 /06 /juin /2013 08:59
Lambda (si quelqu'un aime le monde), par la Compagnie Moebius

La Compagnie Moebius fait partie des sept projets retenus pour le Festival Impatience, lieu de découverte d’un théâtre émergent. A travers leur création collective très atypique, cette Compagnie ouvre avec subtilité et conviction un champ de réflexions qui nous renvoie à des questionnements essentiels. Lambda (si quelqu’un aime le monde) s’inscrit dans notre contexte de crise actuelle. Ici, il s’agit de la crise humaine, celle de l’identité, la quête de sens et la volonté de considération de l’autre. Plongés dans une société rythmée par les medias et le virtuel, quelle place accordons-nous à la réalité, à la spontanéité ? ; finalement, à la vie ? La paralysie qui résulte de ce mal-être envahit et isole ces cinq trentenaires qui tentent, en vain, de fuir l’autre ou, au contraire, de le sentir, de l’espérer et de le chercher pour mieux s’y attacher.

Dans un profond désir de contact avec autrui, ces personnages essaient de trouver des repères, d’exister et de se confronter à leur vérité. Mêlant éléments de fictions, faits réels et instants virtuels, sans excès ni fioritures, cette Compagnie prend le public à partie et lui renvoie, en plein visage, ces interrogations majeures. Aucune réponse, pas de leçon de morale ou de désillusions prononcées, mais une nécessité de ne pas oublier l’essentiel émerge de ce plateau du 104. Les discours sont maîtrisés, les constats justifiés et les personnages réceptifs et convaincants. Porteurs d’une parole générationnelle quelque peu tragique, mais ouverte au changement, ils n’en oublient pas, pour autant, l’humour et s’approprient, à leur manière, des caractères aux couleurs bien distinctes.

Au-delà de l’enjeu du discours qui marque un point de vue assumé et un fort parti pris en faveur d’un type de Théâtre, la puissance de ce spectacle réside dans la mise en scène et, surtout, dans le jeu des lumières. Alternant entre lumières public et lumières plateau, à la fois brutes, éblouissantes et ombrageuses, suggestives, différentes atmosphères se créent et offrent à la pièce une étonnante singularité. Témoin et peut-être concerné par ce qui se révèle, le spectateur participe à l’expérience. Tantôt plongé dans le noir total, comme à son habitude, il se retrouve subitement en pleine lumière, à visage découvert, dans la même dimension que les personnages. Faisons disparaître l’anonymat, considérons notre voisin, essayons d’être ensemble. Le temps de la représentation est rompu, puis reprend aussitôt, créant un sentiment d’instabilité et un soupçon d’agressivité visuelle. Au rythme de cet éclairage presque chorégraphié, les personnages évoluent chacun dans leur espace personnel, leur appartement, tentant de se raccrocher à la vie, prêts à appréhender l’autre et à le rencontrer. Alors, pendant qu’il est encore temps de prendre conscience et de saisir le moment présent, demain ne peut-être qu’espoir !

Le 104

Lamda (si quelqu'un aime le monde), écrit par la Compagnie Moebius, mise en scène de Jonathan Moussalli

Avec Julien Anselmino, Charlotte Daquet, Clélia David, Christophe Gaultier et Marie Vires

Festival Impatience

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3 juin 2013 1 03 /06 /juin /2013 15:21
Le Garçon sort de l'ombre, de Régis de Martrin-Donos par Jean-Marie Besset

Malgré son jeune âge, Régis de Martrin-Donos a compris que la force du théâtre résidait, avant tout, dans la capacité des comédiens à porter un texte sur la scène. Le Garçon sort de l’ombre est une pièce écrite pour les acteurs, un texte pensé pour la scène et l’interprétation. Cette histoire, à première vue assez banale, renferme une part de mystère retranscrite à travers toutes les névroses des personnages. Sylvain Dieuaide excelle dans ce rôle d’adolescent égaré et sous pression, tiraillé entre sa soif de liberté et ses impératifs quotidiens. Il oscille avec fluidité entre un besoin d’indépendance et la retenue, dure à maîtriser, de sa curiosité pour l’extérieur. Ce personnage ambigu, perdu entre désir et réel, est brillamment interprété, à la limite de l’incarnation troublante, proche de la folie contrôlée. Malgré leur dizaine d’années d’écart, Sylvain Dieuaide s’est emparé de Jean dans les moindres replis de son corps et lui offre une personnalité énigmatique et intrigante qui entraîne le spectateur dans cette atmosphère pesante où le drame semble sous-jacent. Accompagné par la vitalité de Virginie Prada qui renforce la dynamique de la scène du Théâtre de Poche, nous découvrons la sublime interprétation d’une mère manipulatrice et étouffante, une femme aux allures de Médée qui se perd dans ce fils qu’elle détruit à petit feu, tentant de l’attirer dans sa toile séquestratrice. Toujours en hommage au théâtre et aux comédiens, le duo Sylvain Dieuaide et Marc Arnaud nous rappelle celui du dealer et du client de Koltès. Ici, avec plus de violence et de clarté, Marc Arnaud personnifie avec habileté, ambivalence et charisme, ce puissant maître du jeu, en quête de l’autre qu’il finira par toucher en gagnant la partie. Homme libre et sans états d’âmes, il annonce l’arrivée d’un chaos proche. Reste le personnage de la fille de joie dont le jeu de Sophie Lequenne est juste, mais trop fade, pas assez sinueux et profond comparé aux trois autres comédiens.

Ce trio de tête qui fait la force de cette pièce semble avoir été dirigé, avec précision et rigueur par Jean-Marie Besset qui nous offre, au-delà d’un jeu éloquent, une mise en scène vivante et toujours pertinente, permettant aux comédiens d’envahir les différents espaces avec un équilibre maîtrisé. Les contraintes du Théâtre de Poche imposent un décor minimaliste mais, cependant, représentatif d’un certain univers. La psychologie des personnages devait revêtir davantage de résonance lorsque la pièce fut créée au Théâtre des 13 Vents, à Montpellier, dans un désir de distinguer les espaces intérieur et extérieur afin d’aboutir à une confusion scénique, en cohérence avec la dérive psychique de chacun. Le Garçon sort de l’ombre est donc porté par de convaincants et séduisants comédiens qui subliment le texte et lui offrent une intensité et une volonté d’expression remarquable de persuasion.

Théâtre de Poche-Montparnasse

Le Garçon sort de l'ombre, écrit par Régis de Martrin-Donos, mise en scène de Jean-Marie Besset

Avec Virginie Pradal, Sylvain Dieuaide, Sophie Lequenne et Marc Arnaud

Jusqu'au 28 juillet 2013

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La Voix Du Théâtre

  • : NOUVELLE ADRESSE : http://critiquestheatrales.wordpress.com/
  • : Planches courbes et planches à clous, vous éclaire sur les scènes d'un certain type de théâtre. Entre forts partis pris et démarches incomprises, les scènes parisiennes et avignonnaises seront mises à nues. A travers la découverte de nouveaux univers et de points de vues plus aiguisés de professionnels et passionnés,vous aurez une vision du paysage dramatique actuel. Retrouvez moi également sur le site Les Trois Coups.
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  • La salle a payé et on lui doit le spectacle. Tu es la comédienne de théâtre, la splendeur de l'âge du monde, son accomplissement, l'immensité de sa dernière délivrance. Tu as tout oublié sauf Savannah, Savannah Bay. Savannah Bay c'est toi."
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BERNARD SOBEL